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Robotique : Vers un fantasme à 800 millions d’euros ?

France 2030 flèche 800 millions d’euros sur la robotique, en tant que levier de la transition des secteurs d’excellence. Enfin une bonne nouvelle, du moins pour tous ceux déjà transformés. Pour les autres, rien de nouveau et la prise en compte des réalités de terrain, encore moins. De quoi désespérer.

Robotique : Vers un fantasme à 800 millions d’euros ?
Tribune d’opinion, par Patrick Dehlinger, Directeur Général Wyca Robotics.

La robotique des champions
Reprenons les propos récents du gouvernement que nous soutenons : oui la robotisation fait gagner en compétitivité, évite les délocalisations et réduit la pénibilité et les risques de troubles musculo-squelettiques.

Puisque la robotique se pare de telles vertus, le plan France 2030 lui réserve une enveloppe de 800 millions d’euros, au titre du financement des « acteurs de la production de machines intelligentes et autres robots embarquant des logiciels ou de l'intelligence artificielle » et de « la transformation des sites industriels de manière massive vers de la machine intelligente ».

En quelques phrases, tout est dit. Il n’y a de robotique que la grande, celle des chaînes et des systèmes d’assemblage automatisés, des convoyeurs, des bras robotiques, bourrés d’intelligence artificielle, s’appuyant sur de lourdes infrastructures informatiques dans des structures normées, dotées de collaborateurs rompus aux processus de fabrication pilotés. Bref, une robotique que seuls les grands groupes et les multinationales connaissent, d’ores et déjà organisée pour en accueillir plus encore.

Le cœur de cette robotique massive provient principalement du Japon, de la Chine ou des États-Unis, d’ailleurs. C’est logique. Quand vient l’heure du choix et de l’investissement, les leaders mondiaux (qui ne le sont souvent que parce qu’ils ont su racheter l’innovation européenne financée sur les fonds publics) présentent le moins de risques. Ils seront les grands gagnants du plan France 2030, sans aucun doute.

Les autres ? Rien n’est moins sûr. Toute une part de l’industrie robotique semble ignorée de ce nouveau plan et privée du soutien public. Elle est pourtant pensée et développée par des sociétés françaises pour répondre aux besoins immédiats et urgents de 80 % du tissu industriel français, particulièrement sous pression à notre époque.

Appel à manifestation d’intérêt et zones blanches
Les critères d’innovation et d’intelligence artificielle, réclamés par le nouveau plan, introduisent un biais qui exclut de nombreux constructeurs français, à la fois de l’accès aux financements et de la visibilité qu’ils donnent. L’appel à manifestation d’intérêt (AMI), lancé en grande pompe, vise à encourager les entreprises à montrer à nos édiles en quoi elles innovent et pourquoi elles mériteraient d’être financées. S’inscrire dans un programme de recherche, pourquoi pas, ce ne sera pas la première fois. Mais quid des sociétés françaises qui maîtrisent déjà les technologies utiles et cherchent à les commercialiser ? Rien n’est prévu dans ce grand plan, ni pour elles ni pour leurs clients.

Cet AMI aurait eu plus de sens s’il avait pour objectif de mieux comprendre les contraintes du tissu industriel et les raisons du retard des petites et moyennes entreprises. Il suffit d’observer la myriade d’entreprises satellites, sous-traitantes de sous-traitants, qui n’est absolument pas organisée pour accueillir cette robotique de fantasme que l’on valorise tant.

Comprendre l’état d’esprit d’une TPE ou d’une petite entreprise vis-à-vis de sa transformation et de son intégration dans le champ concurrentiel est loin d’être simple. Alors oui, l’exercice exige une analyse fine et aboutie du secteur de la robotique et surtout de son marché.

Discrétion du tissu économique français majoritaire
Elles ne font pas de bruit et pourtant réalisent 1 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploient près de la moitié de la masse salariale en France. Mais le fonctionnement des petites entreprises semble encore insaisissable pour ceux qui nous dirigent. Les TPE ne font jamais appel à des cabinets d’études. Elles ne créent pas ou bien peu d’équipes dédiées à la réflexion, l’évaluation, l’évolution et l’innovation. Elles travaillent à flux tendu, connaissent des difficultés de recrutement, luttent pour maintenir de bonnes conditions de travail afin de préserver les emplois dont elles ont cruellement besoin.

Pragmatiques, manquant de temps pour tout, elles ne s’amusent pas à remettre en question leur organisation au nom d’une coûteuse et pénible digitalisation de façade. Les petites entreprises n’ont pas plus de process digitaux qu’elles n’ont d’avis tranché sur la question. Vouloir les informatiser à marche forcée pour aller vers plus de transformation est illusoire. Si elles devaient mettre en place de nouvelles technologies, ce ne serait qu’avec simplicité, rapidité et efficacité, pour des gains de productivité rapides, clairs et non équivoques.

Quand enfin un plan de relance saura s’adresser concrètement à son tissu économique et industriel réel et lui proposer des solutions accessibles pour rester compétitif, réduire la pénibilité, mieux recruter en France et utiliser les technologies françaises innovantes déjà disponibles, alors enfin peut-être l’on pourra applaudir l’innovation d’État. En attendant le miracle, il reste les régions, les seules encore aujourd’hui à se démener pour les entreprises de leur territoire.

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